Jessica
Une étoile de mer pour le désir de donner de la lumière puis une patte d’ours pour le désir de donner de l’espoir !
jeudi 23 avril
atelier Le pain du désir > virtuel
par Ilaria Turba
Au sein du projet Le désir de regarder loin que j’ai imaginé pour LE ZEF, un atelier vient ponctuer chacune de mes résidences : Le pain du désir ; imaginé et mené en collaboration avec Zahra Adda Attou, maîtresse de maison du ZEF. Nous nous apprêtions à recevoir pour la huitième fois, adultes et enfants, « façonneurs » en herbe de pains du désir ! Le Covid-19 est alors arrivé, et en a décidé autrement. Je suis donc rentrée chez moi, en Italie, d’un jour à l’autre, grâce à un “voyage de l’aventure” : une journée entière et plusieurs trains pour rejoindre Milan. C’était un moment très fort… j’ai traversé plein de sentiments différents. La sensation que cela allait durer était déjà claire, et je m’interrogeais sur la manière de maintenir vivant ce projet artistique fait de rencontres, d’échanges et de dynamique de groupe.
Au moment d’écrire aux participants pour annuler les ateliers de ce début avril, nous avons eu l’idée d’essayer une version virtuelle, en visio-conférence. Transformer un atelier qui normalement a lieu dans la Cuisine du ZEF, qui utilise un four à pain traditionnel algérien en argile, où les participants partagent un espace physique et fabriquent la pâte à plusieurs mains, n’était pas évident ! Mais je ressentais que ce moment de confinement, où tout le monde est à la fois isolé dans son espace privé et à la fois bien plus connecté au-delà des frontières qu’habituellement, donnait une signification nouvelle et encore plus de force à la fabrication de "pain du désir", et plus largement au thème "le désir de regarder loin".
Cette dimension virtuelle nous a permis aussi d’ouvrir l’atelier à l’international, avec des participants de Marseille, Paris, Arles, Bruxelles, Berlin, Milan. Un vrai voyage !
Entre Zahra, tous les participants et moi, un véritable moment de rencontre, de partage et de transmission s’est créé. Nous avons tous oublié les écrans derrière lesquels nous étions pourtant ! Les étapes ont été presque similaires à celles des ateliers physiques : la présentation générale du projet, la transmission de la recette de Zahra, le temps de fabrication du pain sous nos regards attentifs, l’attente de la cuisson et les récits d'explications des pains du désir de chacun. Plus surprenant encore : au début du façonnage du pain, quand la concentration des participants devient plus précise et les mains plus minutieuses, nous avons retrouvé, comme à chaque atelier, ce beau et saisissant silence.
C’était très touchant !
En attendant de pouvoir nous revoir en vrai, les participants vont garder dans leur frigo un pain pour la collection du projet, qui sera exposée au MUCEM en 2021.
Vous pouvez déjà découvrir, ci-dessous (en cliquant sur les images), les pains des deux ateliers virtuels qui ont eu lieu les 3 et 4 avril, ainsi qu’une vidéo « muette » en bas de page.
Une étoile de mer pour le désir de donner de la lumière puis une patte d’ours pour le désir de donner de l’espoir !
Mon pain est un mélange entre une tortue et un escargot. Ce sont deux animaux qui portent une maison sur le dos, et qui sont très lents. La situation actuelle résonne beaucoup avec ces deux animaux dans mes pensées. L’escargot à la coquille en forme de spirale : c’est aussi un symbole de créativité et donc mon désir : se dire que peut-être nous essaierons de penser un monde meilleur dans cette spirale de créativité. C’est aussi les deux animaux préfèrés de mon petit-fils et son cousin.
Le désir que l’on oublie jamais de s’aimer, pour les amoureux, comme pour tout le monde, et encore plus dans cette situation actuelle de confinement.
Mon pain est un pissenlit, quand on souffle dessus, il y a les grains qui s’envolent avec le vent, et quand on arrive à les souffler tous d’un coup, les semences partent très très loin. Cela signifie qu’on est très amoureux de quelqu’un ! Ce pain est complétement lié à l’amour.
La forme de mon pain est un mélange entre un poisson, une feuille et une aile.
Pendant que je travaillais la pâte, je me suis souvenu d’une histoire qu’une copine m’a racontée la veille après une session yoga Savasan. Elle m’a dit que pour la culture indienne du yoga, quand tu es allongée, tu peux arriver à l’essence de ton corps et là tu peux sentir qu’en tant que personne, tu pourrais devenir autre chose pas seulement un corps humain mais aussi devenir un poisson, une feuille, une aile ou une autre espèce vivante qui habite la terre, comme mon pain !
Je me demande vraiment pourquoi j’ai fait un pain avec cette forme...
C’est curieux - et peut être un peu facile - étant donné la période. Dans ce moment où tout le monde parle d’espoir j’ai représenté une tête de mort. Mais, pour moi ce n'est pas une forme négative.
En ce temps de confinement, nous avons beaucoup de temps pour réfléchir. J'ai ainsi pas mal repensé à une période de ma vie dans laquelle j'ai quelques trous de mémoire, peu après mes 18 ans... Période où ce symbole m'accompagnait tout le temps, un peu comme un défi. Une sorte d'ex-voto, une représentation mêlant notre conscience de finitude et en même temps une lutte. Et finalement la situation actuelle renvoie assez bien à cette double entrée : relativiser notre propre condition - nous sommes quand même pas grand chose... - et malgré tout accepter le défi, mener ce combat, presque instinctivement. Représenter la mort c'est remettre ce parallèle au cœur de nos existences : une conscience et un instinct. Une acceptation et un combat, malgré tout.
J’ai fait deux petits rats, parce que moi et ma maman, on est rats dans les signes astrologiques chinois. Et ça représente l’amour entre moi et ma mère.
Il y a plein d’histoires qui peuvent expliquer pourquoi j’ai fait un bouquet de fleurs : la première c’est que j’ai envie de me marier avec quelqu’un, et que donc il m’offrira un bouquet des fleurs, et aussi j’ai un jardin dans ma maison et c’est pour ça que j’ai fait des fleurs.
Mon pain à la forme d’une main. C’est un symbole très actuel : ne pas serrer les mains, se laver les mains, protéger les mains, notre avenir est entre nos mains. Travail, nourriture, amour, et partage, tout passe par les mains. La main dans la main pour changer ce monde, c’est mon désir de regarder loin.
J’ai voulu reproduire des vagues, qui sont celles de la Méditerranée mais aussi celles de l’Océan Atlantique. Je viens de l’océan, je vis sur les côte de la Méditerranée. La mer est ce qui me relie quasi-quotidiennement à ma famille, et dans cette période si particulière, je suis privée des deux. La mer aussi parce que je me sens un peu dans le même état que quand on s’y baigne : on se laisse porter par les mouvements, perdu dans son immensité. Pour moi c’est à la fois un bien-être, et à la fois des inquiétudes parce que je n’oublie jamais que la mer est bien plus forte que moi. Et puis, sur le côté, tous rassemblés, des « petits humains » en clou de girofle parce que, malgré tout, je me sens très connectée aux autres, et très entourée. Faut dire que dans le bien et dans le mal, on est tous dans le même bateau !
Faire en sorte que pendant le confinement et dans la vie en règle générale on donne du relief à nos liens, à nos horizons, à nos désirs !
Le pain (imparfait) de l'amitié : le désir de retrouver mes amis pour de vrai.
Je crois que Rose et Antonia veulent retourner au contact de la nature et rêvent d'animaux. Et moi aussi avec ce petit oiseau voyageur.
Moi j’ai fait trois pains : un pain traditionnel français, la baguette, un pain traditionnel algérien et l’union entre les deux est un pain en forme de cœur fabriqué avec deux pains torsades. Je suis franco-algérienne, peut-être qu’en ce moment, mes deux cultures se mélangent avec encore plus d’amour.
On a fait un symbole. Il y a des étoiles pour l’espoir, des cœurs pour l’amour évidement. On a ajouté une sorte de tresse qui contient le tout et c’est un peu comme nous maintenant.
Toutes les branches de l’étoile sont connectées aujourd’hui.
Quand j’ai commencé à façonner le pain, l’image qui m’est venue en tête spontanément c’est les petites poupées en guirlandes de papier que l’on peut déplier à l’infini et qui sont toutes accrochées les unes aux autres. J’ai eu envie de faire la même chose… mais je n’en ai fait que deux. J’avais l’envie de faire deux personnes qui se tiennent la main, et c’est évidemment lié à ce moment que l’on traverse : on ne peut pas se toucher, ni se serrer dans les bras, se soutenir physiquement… J’avais l’envie de fabriquer un pain qui me fasse penser un peu à cette guirlande de poupée, qui relie tous les gens à l’infinie. Quand je l’ai sortie du four, le petit morceau qui les reliait ensemble s’est cassé et donc pour prendre la photo il fallait que je le tienne dans mes mains avec délicatesse. Et je trouve que ça raconte bien ce que nous sommes en train de vivre : il faut beaucoup de délicatesse et d’attention pour faire tenir ensemble ce qui nous relie les uns aux autres, alors que nous sommes chacun dans nos maisons.
Mon pain raconte l’amour et j’ai écrit mon prénom Maé avec les graines.
3 et 4 avril > en ligne depuis chez vous