Présentation
C’est un tableau vivant qui prend forme sous nos yeux, une sorte d’opéra-ballet en trois actes. La scène, tendue de tapisseries offrant des représentations historiques de la nature, accueille successivement la Doncella Guerrera (jeune fille partie à la guerre sous les traits d’un homme), le San Miguel de Garcia Lorca (archange voluptueux porté en procession durant la Semana Santa) et la Tarara (gitane andalouse éconduite et secrètement androgyne). Ils chantent, esquissent des danses, déclament des poèmes épiques dans une langue espagnole métissée et baroque, façonnée aux 16e et 17e siècles.
Bandonéon, viole de gambe et percussions les accompagnent, déployant un répertoire enchanteur qui croise musique sacrée, romance, mélopée sépharade et flamenco. Une épopée des sens qui convie l’Orlando du roman de Virginia Woolf, personnage multiple dont les métamorphoses de genre illustrent la quête d’un impossible idéal.
Note d'intention
« Romances inciertos, un autre Orlando est à la fois un concert et un récital, qui s’articule en trois actes, comme un souvenir d’opéra-ballet. Y apparaissent successivement la Doncella Guerrera, qui nous emmène, dans un contexte médiéval, sur les traces d’une jeune fille partie à la guerre sous les traits d’un homme ; le San Miguel de Garcia Lorca, archange voluptueux et objet de dévotion, aussi orné que douloureux, porté lors des processions ritualisées de la Semana Santa ; et la Tarara, gitane andalouse qui, suite à un amour déçu, oscille entre mysticisme et séduction, et cache une secrète androgynie.
Romances inciertos est un estuaire, un delta. Une zone difficilement situable sur les cartes, à la confluence de musiques espagnoles de tradition à la fois orale et “savante”, qui inspirent des danses, des poèmes et de mini épopées dont les héroïnes jouent des rôles qui ne sont pas les leurs. L’histoire de ces personnages, pris dans un mouvement perpétuel de métamorphose, d’ambiguïté, d’imposture entêtée, et d’indécision embrasée se reflète dans le destin même des mélodies qui leur sont attribuées. Romances inciertos met en scène ces deux trajectoires : la renaissance des personnages qui n’ont d’autre choix que de transformer le réel à la mesure de leur désir – et l’infinie mutation de motifs musicaux à travers les siècles. L’identité incertaine de ces figures se réfléchit dans le métissage musical. La plupart de ces mélodies sont apparues aux XVIème et XVIIème siècles en Espagne et depuis, n’ont jamais cessé d’être interprétées, modifiées, transformées. Chaque culture mais aussi chaque époque se sont réappropriées ces poèmes, actualisant sans cesse les aventures de leurs héroïnes. C’est ainsi que ces mélodies – issues de l’art de la romance, du chant sépharade ou de la jota se sont introduites dans la musique baroque, le flamenco andalou ou encore les cabarets travestis de la Movida. Les coplas – les vers – eux-mêmes se sont démultipliés, et à l’ombre des versions les plus connues, les archives gardent la trace de strophes paillardes, retraçant le destin marginal de ces figures. Les quatre solistes rejouent ici ces trajectoires, en empruntant des mélodies originairement écrites pour d’autres instrumentarium, en osant le rapprochement de timbres réputés incompatibles : le bandonéon se rêve clavecin, la viole de gambe bourdonne des zambras douloureuses, les percussions s’invitent dans la musique sacrée, et les réminiscences baroques des marches sévillanes apparaissent au creux du théorbe. La scène, cerclée de tapisseries dont la trame rassemble de multiples représentations historiques de la nature, ouvre un paysage autour des cinq interprètes. La danse surgit, recoud et trouble : à la fois sœur et émule de la musique, elle s’impose comme art de l’impur et met le corps à l’épreuve du présent. Simultanément factice et réel, il tente d’atteindre d’impossibles altitudes dans un équilibre affranchi de la gravité. Les gestes s’engouffrent dans l’écart laissé entre les danses “traditionnelles” et leurs avatars académiques – suivant la trace de ces mutations chorégraphiques, dont l’histoire oscille entre pillages et inspirations. C’est donc un delta impur, irisé, sur lequel semble scintiller la silhouette inattendue de l’Orlando de Virginia Woolf. Mais cet Orlando-là n’est plus un jeune lord de la Cour royale d’Angleterre qui vit quatre siècles et sombre régulièrement dans un profond sommeil. Il se consacre tout au long de sa vie à l’écriture d’un seul et même poème qui se teinte des reflets des époques qu’il traverse et se fait l’écho des mutations infinies des arts et des sociétés. Comme dans le roman, nous sommes ici en présence d’un personnage à éclipses, qui soudain s’absente pour renaître sous les traits d’une femme, ailleurs, dans l’espace et dans le temps. Par l’épreuve du chant et de la danse, cet autre Orlando, porté par les musiciens, se lance dans une forme d’épopée dont les métamorphoses incessantes n’assouvissent jamais la quête d’un idéal. »
François Chaignaud, Nino Laisné, Célia Houdart
Biographie
Nino Laisné
Diplômé en 2009 de l’École Supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux où il s’est spécialisé en photographie et vidéo, Nino Laisné s’est également formé aux musiques traditionnelles sud-américaines auprès du guitariste Miguel Garau. C’est durant cette période qu’émerge l’envie d’allier cinéma, musique et art contemporain. Dès 2010, avec Os convidados, ses images deviennent sonores et évoquent des chants traditionnels. En 2013, son film En présence (piedad silenciosa) cristallise l’équilibre entre une écriture visuelle et une écriture musicale, autour de réminiscences religieuses dans le folklore vénézuélien. Ses projets l’ont amené à exposer dans de nombreux pays tel le Portugal, l’Allemagne, la Suisse, la Chine ou encore l’Argentine. Il est régulièrement invité à produire de nouvelles pièces lors de résidences de création (Casa de Velázquez – Académie de France à Madrid, FRAC Franche-Comté, Park in Progress à Chypre et en Espagne, Pollen à Monflanquin). En 2017, il crée le spectacle Romances inciertos, un autre Orlando, fruit de sa rencontre avec François Chaignaud, qu’ils présentent notamment au 72ème Festival d’Avignon. En 2018, le tandem tourne Mourn, O Nature!, un film court pour une exposition au Grand Palais, inspiré par l’opéra Werther de Jules Massenet. En octobre 2019, pour sa nouvelle exposition monographique au Frac Franche-Comté, Nino Laisné présente l’Air des infortunés, un film qui revisite une imposture historique avec Cédric Eeckhout et Marc Mauillon.
François Chaignaud
Diplômé en 2003 du Conservatoire national supérieur de danse de Paris, François Chaignaud a collaboré avec plusieurs chorégraphes. Depuis He’s One that Goes to Sea for Nothing but to Make him sick (2004) jusqu’à Думи мої (2013), il crée des performances dans lesquelles s’articulent danses et chants, dans les lieux les plus divers, à la croisée de différentes inspirations. Depuis 2005, un dialogue soutenu entre François Chaignaud et Cecilia Bengolea donne vie à des œuvres hétéroclites, présentées dans le monde entier. Ensemble, ils créent notamment Sylphides (2009), (M)imosa (2011), Altered Natives Say yes To Another Excess - Twerk (2012), Dancehall Polyphony, pour le Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch (2015) et DFS (2016). À l’occasion de La Bâtie-Festival de Genève 2017, François Chaignaud crée en collaboration avec l’artiste Nino Laisné Romances inciertos, un autre Orlando, spectacle autour des motifs de l’ambiguïté de genre. En mai 2018 il crée également Soufflette, une pièce pour le Ballet Carte Blanche (Norvège). En mai 2019 a eu lieu au Kunstenfestivaldesarts la première représentation de Symphonia Harmoniæ Cælesitum Revelationum, une recherche autour du répertoire d’Hildegarde de Bingen en collaboration avec Marie-Pierre Brébant. Pour ses futurs projets, François Chaignaud collaborera notamment avec Akaji Maro, et des ensembles musicaux tels que Les Cris de Paris et l’orchestre Les Siècles. Chaignaud est artiste associé à Bonlieu Scène nationale Annecy aux côtés de Cecilia Bengolea.
Voir, écouter et lire
23 décembre 2018
Danses avec la Plume
Réalisée en collaboration avec le plasticien Nino Laisné, François Chaignaud, entouré par un quatuor de musiciens virtuoses, chante et danse seul sur scène dans une œuvre qui échappe à toute classification, un opéra-ballet d’un genre nouveau, impeccablement interprété et charriant un torrent d’émotions.
12 juillet 2018
La Croix
Au-delà des interrogations qu’il porte, ce spectacle est une pure merveille. Il consiste en une série d’apparitions magiques où la musique envoûte et transperce, les mouvements de danse enveloppent et emportent…
21 décembre 2017
Libération
Le performeur-danseur, pieds nus, perché sur échasses ou monté sur talons hauts, y fait tourner les identités, se joue du genre et donne du sang neuf au répertoire.
Séances et tarifs
Autour du spectacle
Rencontre à l’issue de la représentation du mardi 13 décembre
Générique
Conception, mise en scène et direction musicale : Nino Laisné • Conception et chorégraphie : François Chaignaud • Danse et chant : François Chaignaud • Bandonéon : Jean-Baptiste Henry • Violes de gambe : Robin Pharo • Théorbe et guitare baroque : Daniel Zapico • Percussions historiques et traditionnelles : Pere Olivé / David Mayoral • Création lumière et régie générale : Anthony Merlaud • Régisseur son : Charles-Alexandre Englebert • Habilleuse en tournée : Cara Ben Assayag • Création costumes : Carmen Anaya, Kevin Auger, Séverine Besson, María Ángel Buesa Pueyo, Caroline Dumoutiers, Pedro García, Carmen Granell, Manuel Guzmán, Isabel López, María Martinez, Tania Morillo Fernández, Helena Petit, Elena Santiago • Décor et chef peintre : Marie Maresca • Peintre : Fanny Gaudreau • Retouches images : Remy Moulin, Marie B. Schneider • Construction : Christophe Charamond, Emanuel Coelho • Administration - production : Garance Roggero, Jeanne Lefèvre, Léa Le Pichon • Diffusion : Mandorle productions & A propic
Production : Mandorle productions, Mandorle productions est subventionnée par le Ministère de la Culture (DRAC) Auvergne-Rhône-Alpes). Mandorle productions reçoit l’aide de l’Institut français pour certains de ses projets à l’étranger. François Chaignaud est artiste associé à Bonlieu Scène nationale Annecy. Nino Laisné est membre de l’Académie de France à Madrid – Casa de Velázquez. • Coproduction : Bonlieu Scène nationale Annecy et La Bâtie-Festival de Genève dans le cadre du programme INTERREG France-Suisse 2014-2020, Chaillot – Théâtre national de la Danse, deSingel Anvers, la Maison de la musique de Nanterre, Arsenal / Cité musicale – Metz. • Ce projet a reçu le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la Spedidam, PACT Zollverein Essen, TANDEM Scène nationale, Ayuntamiento de Anguiano – La Rioja, les Pépinières Européennes pour Jeunes Artistes et l’Ayuntamiento de Huesca dans le cadre de la résidence Park in Progress 12, et a bénéficié d’un accueil studio aux Teatros del canal à Madrid, au Centre National de la Danse à Pantin et la Ménagerie de verre à Paris (Studiolab), El Garaje – Cadíz