Présentation
Dix ans après sa création, Kader Attou reprend Symfonia, création chorégraphique inspirée par la Troisième Symphonie dite Symphonie des chants plaintifs d’Henryk Góreck.
Cette œuvre musicale, point de départ de la pièce, s’articule autour d’une lamentation féminine. Pour sublimer cette partition, Kader Attou fabrique une communauté où l’émotion et le sens surgissent au-delà des styles. Sous nos yeux, le mouvement se propage dans les corps de dix danseurs et danseuses pour produire une sublime et troublante rencontre entre le hip hop et le Ballet. Parfois, le rapport de force se danse comme un tango. À d’autres moments, le tournoiement des portés pactise avec le tourbillon acrobatique de la breakdance. Alors, la communauté se fait et se défait au gré des rebonds, s’élève, s’affaisse, au rythme de ce combat incessant entre ombre et lumière…
Reflet d’un monde en déséquilibre qui produit encore et inlassablement toutes sortes de guerre, cette pièce chorégraphique emplie de grâce, teintée de ténèbres et de lueurs, se vit comme un combat et réaffirme un puissant désir de vivre.
Note d'intention
Depuis plus de vingt ans, Kader Attou n’a de cesse d’inventer une danse livrant des images et des émotions que lui inspirent les rires et les drames des hommes. En 1994, il découvre, bouleversé, la Symphonie n° 3 dite des chants plaintifs, Symfonia Piesni Zalosnych, du compositeur polonais Henryk Gorecki. Construite en trois mouvements lents pour soprano et orchestre, elle trouve sa source dans des chants religieux et populaires évoquant la perte d’un enfant durant les guerres et la souffrance d’une mère abandonnée à son deuil. Son point culminant sera la prière du second mouvement écrite par une jeune déportée pour sa mère sur les murs de sa cellule avant d’être exécutée par la Gestapo. Devenue célèbre dans le monde entier par l’enregistrement du London Sinfonietta et la magnifique soprane Dawn Upshaw dirigés par David Zinman, cette œuvre est d’une grande spiritualité et d’une luminosité incandescente qui porte en elle la tristesse et le mal provoqués par la volonté de l’homme mais aussi la force et la douceur dont l’amour pourrait être le socle.
En 2010, Kader Attou crée Symfonia Piesni Zalosnych, pièce pour dix danseurs, avec le désir d’inscrire sa danse dans la puissance émotionnelle de cette partition. Pour la première fois, il crée en s’attachant à l’intégralité d’une oeuvre musicale et explore la rencontre entre le hip hop et la forme du Ballet. À l’instar d’une musique dépouillée de tout effet ou ornement superflu, la danse déploie une gestuelle pure qui creuse le sol en même temps qu’elle cherche l’intériorité et l’élévation des êtres. Une œuvre universelle, accessible à tous.
Dix ans après, il reprend cette pièce. Parce qu’elle est toujours en lui.
Parce qu’elle rejoint cette humanité dansante qui fonde son travail, l’urgence absolue de vivre. Dans un monde en déséquilibre qui produit encore et inlassablement toutes sortes de guerre, cette symphonie résonne comme un combat, une marche langoureuse entre ténèbres et lueurs qui s’ouvre sur l’espoir. Souvent considérée comme une oeuvre de la Shoah, Kader Attou réhabilite le désir de Gorecki d’en faire, avant tout, un hommage à la mère, à la femme, à celle qui porte en elle l’origine de la vie. Cette reprise s’attache à révéler la beauté des textes des chants, approfondir les tensions entre la danse et les vibrations de la musique pour à la fois unir les corps et démultiplier leurs différences. Sur le fil ténu des mélodies, la danse dessine des cycles de vie, attirant les corps vers la lumière, se laissant porter par le crescendo fulgurant des cordes et l’intensité de la soprane qui déchire le ciel sombre de sa voix claire.
« Cette œuvre nous relie fondamentalement à nos émotions intérieures c’est de l’ordre de l’intime. Elle évoque la souffrance, la douleur, l’amour, la joie, tout ce qui nous rassemble. On a le sentiment qu’elle va puiser au fond de nous, qu’elle éveille des choses que nous ne contrôlons pas et qui nous rendent vulnérables. En ce sens, elle est universelle et accessible à tous. » Kader Attou.
Biographie
Avec une démarche artistique humaniste et ouverte sur le monde qui fusionne les influences et décloisonne les genres, Kader Attou a contribué à transformer le hip hop en une nouvelle scène de danse, faisant émerger une danse d’auteurs reconnue comme une vraie spécificité́ française. Il inscrit sa danse dans le partage, le dialogue des cultures et le croisement des esthétiques. Il cherche dans les voyages et les rencontres la matière qui nourrit ses œuvres. Enfant de l’immigration, les questions de l’identité́, de la différence et de l’altérité́ fondent sa démarche, transformant sa danse en un lieu de convergence où se construit une communauté́ de corps et d’émotions.
Dès le début, il considère le hip hop comme une discipline d’art et de recherche mais aussi, et c’est ce qui fait sa singularité́, comme un moyen de témoigner sur la condition humaine, de réfléchir sur des questions de société́. Il fonde la compagnie Accrorap avec Mourad Merzouki, Éric Mezino, Lionel Frédoc, Chaouki Saïd en1989. Athina, en 1994, marque les grands débuts d’Accrorap sur la scène de la Biennale de la danse de Lyon. Mourad Merzouki, Chaouki Saïd et Éric Mezino quittent la compagnie en 1996/97. Depuis Kader Attou affine son identité artistique et crée de nombreuses pièces : Prière pour un fou (1999), Anokha (2000), Pourquoi pas (2022), Douar (2003), Les corps étrangers (2006), Petites histoires.com (2008), Trio (?) (2010), Symfonia Piesni Załosnych (2010), The Roots (2013), Un break à Mozart (2014), Allegria (2017), Les Autres (2020). De 2008 à 2021, Kader Attou dirige le CCN de La Rochelle et du Poitou-Charentes, devenant ainsi le premier chorégraphe hip hop à la tête d’une telle institution. Il est promu au rang de chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en janvier 2013 puis au nouvel an 2015, il est nommé chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur.
Voir, écouter et lire
Septembre 2021
L’Œil d’Olivier
Symfonia Piesni Zalosnych touche par l’énergie vitale qu’elle renferme, par cette force ancrée dans le travail de Kader Attou de toujours chercher la lumière.
Séances et tarifs
Générique
Chorégraphie : Kader Attou • Musique : Henryk Mikołaj Górecki, Symphonie n°3 pour soprane et orchestre, opus 36, Éditions Chester / Éditions Mario Bois-Paris • Lumières : Françoise Michel • Costumes : Nadia Genez • Interprétation : Aïda Boudrigua, Amine Boussa, Capucine Goust, Erwan Godard, Salem Mouhajir, Ioulia Plotnikova, Sébastien Vela Lopez, Nicolas Majou, Vaishali Trivedi, Majid Yahyaoui
Production : Centre Chorégraphique National de La Rochelle — Kader Attou Cie Accrorap • Coproduction : Festival Montpellier Danse 2010 — La Coursive, Scène Nationale de La Rochelle — Chaillot, Théâtre national de la Danse —Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine — Grand Théâtre, scène conventionnée pour la danse, Ville de Lorient • Avec le soutien du Conseil Général du Val-de-Marne.