Présentation
« LA MER – Je ne vais pas y aller par quatre chemins : je suis très très très en colère contre certains humains adultes. Ils ne pensent jamais à me demander mon avis, ils me font passer pour un monstre avaleur de vies alors que ce n’est pas moi qui tue, ce sont les murs, les frontières que certains adultes de votre espèce ont inventés ».
Comment discuter avec les enfants des combats les plus urgents de notre époque ? Comment leur parler avec délicatesse de la réalité souvent brutale du monde qui les entoure ? Telle est la mission que s’est donnée l’auteure et metteure en scène Anaïs Allais Benbouali. Dans Esquif, sa première pièce jeune public, la Mer s’adresse directement aux enfants et dialogue avec une violoncelliste incarnant le navire de sauvetage de SOS Méditerranée, portant la parole des rescapé·e·s, ainsi que de celles et ceux qui n’ont pas survécu à la traversée. Un spectacle qui rend le sujet accessible sans pour autant en enlever sa complexité, qui offre des espaces de discussion et de réflexion à tous les âges.
Note d'intention
« Cher·es vous qui allez assister à une représentation d’Esquif, vous dire tout d’abord que je suis extrêmement heureuse de partager ce spectacle avec vous. Je tiens à vous dire en amont de ce moment pour que les spectateur·ices présent·e·s ce jour-là, petit·e·s et grand·e·s, soient préparé·e·s à la thématique du spectacle. Non pas qu’il soit spécialement « dur » dans sa forme ou les mots choisis, puisque je l’ai vraiment pensé pour des enfants de 8 à 99 ans, mais parce qu’il s’agit d’un sujet actuel et contemporain qui peut malheureusement toucher de près ou de loin des personnes présentes.
J’ai échangé avec des membres de SOS Méditerranée tout au long de l’écriture de ce texte qui porte sur la situation en Méditerranée centrale et les missions de sauvetage menées par l’association. Ils m’ont mis en garde quant à la possibilité que des personnes ayant vécu la traversée, ou dont les parents ont vécu la traversée, soient remuées par le fait de d’y être confrontées le temps d’une représentation, qui plus est si elles n’en ont pas été informées auparavant.
C’est pour cela qu’il me semblait nécessaire de vous écrire, parce que les membres de SOS Méditerranée eux-mêmes, avant de faire des sensibilisations en établissements scolaires, s’assurent que chaque personne à qui cet échange est proposé soit consciente du sujet dont il sera question.
En ce qui concerne le spectacle Esquif, il est donc également important de s’assurer du consentement de chaque spectateur potentiellement concerné à l’idée d’y être ramené par un biais artistique, malgré la légèreté et la douceur que j’ai essayé d’insuffler au spectacle.
Pour l’écriture de ce texte, je me suis plongée dans la lecture et l’écoute de nombreux témoignages de rescapé·es secouru·es par l’équipe de SOS Méditerranée à bord de l’Ocean Viking, leur navire ambulance. J’ai également regardé de nombreux documentaires sur les sauvetages qu’ils opèrent en mer, écouté des interviews de marins sauveteurs, de sages femmes, de médecins ou de journalistes présents à bord. Ma première réaction a été la sidération, comme quand on entend parfois ces chiffres insensés à la radio. Une sidération qui coupe la pensée tant ce qu’on peut lire ou voir à ce sujet est terrible, au-delà de l’entendement.
Quand il a fallu traduire cette matière pour qu’elle soit audible par des enfants (mais également par des adultes), j’ai dû trouver un angle pour tenter de dépasser cette sidération et inviter à la réflexion, pour entrevoir l’espoir qu’un jour tout cela soit dernière nous. Un angle pour sortir de ce sentiment d’impuissance, de cette culpabilité que peut engendrer la soudaineté et brutalité de la prise de conscience.
Un angle pour donner l’énergie, à la mesure de chacune et de chacun, d’agir, de parler, de raconter, de témoigner.
Pour cela, j’ai choisi la forme du conte et des personnages « non humains ». Pour déplacer notre perception de tout cela, pour regarder les choses de façon réflexive et dépasser le stade des émotions. C’est donc la mer Méditerranée qui s’incarnera devant vous pour témoigner des histoires qu’elle reçoit. Et elle a spécifiquement demandé de le faire devant des enfants, symboles d’espoir et de changement.
Ce mot aussi puisque, dans la mesure du possible, des séances de sensibilisation scolaire avec des bénévoles de SOS Méditerranée seront proposées en aval du spectacle à vos classes. Ce temps, idéalement prévu peu après la représentation, permettra aux élèves de saisir concrètement les missions de cette association de sauvetage en mer, et de poser toute question née pendant le spectacle.
Je vous remercie de considérer la démarche que j’ai à vous écrire comme une précaution, qui ne sera utile que dans des cas isolés. Mais même si cela ne concernait qu’un·e élève sur les centaines concerné·es lors de cette tournée dans les Yvelines, cela me semblait nécessaire.
Je vous remercie encore pour l’attention que vous vous voudrez bien porter à cette demande, et pour les mots que vous choisirez afin de préparer vos élèves à ce moment, je l’espère, de partage et de communion autour d’un sujet nécessaire pour notre humanité. »
Anaïs Allais Benbouali
Biographie
Anaïs Allais Benbouali est autrice, metteure en scène, comédienne et directrice artistique de la compagnie la Grange aux Belles. Formée au Conservatoire de Nantes et à l’Institut des arts et diffusion (IAD) en Belgique, elle complète sa formation par des stages mais également par des résidences de recherche d’écriture à l’étranger (Québec, Cameroun, Algérie). Elle signe Lubna Cadiot (x7) en 2012, Le Silence des Chauves-Souris en 2015, Au milieu de l’hiver j’ai découvert en moi un invincible été en 2018 (chez Actes-Sud Papiers) et Par la mer (Quitte à être noyées) en 2023 (aux Éditions Koïne). En 2016, elle écrit et interprète W., répondant à une commande de la compagnie de Wajdi Mouawad. Elle est également dramaturge et dispense des ateliers d’écriture et de mise en voix pour différents publics : élèves de conservatoire, collégiens, universitaires, amateurs, elle a été artiste associée au Grand T à Nantes, à la Comédie de Caen et autrice invitée au Théâtre de la Colline. Elle a coréalisé avec Isabelle Mandin son premier documentaire, À regarder les poissons, autour de notre rapport à l’empathie.
Amandine Dolé est musicienne, comédienne, metteure en scène et autrice, formée au Conservatoire d’art dramatique de Nantes. Parallèlement, elle se forme au violoncelle au Conservatoire de Nantes. Elle signe la composition et l’interprétation musicale de W. Immersion à l’aveugle d’Anais Allais Benbouali et est est violoncelliste-chanteuse, pendant plusieurs années au sein du quintet Mood. En 2015, elle crée sa compagnie ILOT 135. Son écriture aime jouer sur le rapport entre l’image et le son produits par les mots et leurs sens. Avec des formes courtes, elle cherche à condenser, dans un discours sensible et poétique, une perception délicate et subtile du monde qui nous entoure, de mondes cachés ou ignorés, de mondes rêvés ou sublimés.
Voir, écouter et lire
9 février 2024
La Terrasse
C’est une combine qui fonctionne : en donnant un corps et une voix à la mer Méditerranée ceux d’Anissa Kaki), Anaïs Benbouali permet un espace de parole universel et émotionnellement neutre, qui prend le contre-pied des discours habituels sur le sujet de l’exil, très flous pour un jeune public.
11 février 2024
La Croix
Un masque de nuit sur les yeux, on écoute alors le clapotis de l’eau, le chant des dauphins et les histoires d’exils forcés. Un voyage empreint d’une infinie douceur pour affronter ce sujet à hauteur d’enfant.
Séances et tarifs
Autour du spectacle
Rencontre avec l'équipe artistique, dans le Hall du ZEF, à l'issue de la représentation du mardi 25 février
Générique
Texte et mise en scène : Anaïs Allais Benbouali • Avec : Amandine Dolé, (distribution en cours) • Son : Sandy Ralambondrainy • Scénographie : Lise Abbadie • Régie générale et son : Thomas Demougeot • Régie lumière : Daniel Ferreira
Production : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN dans le cadre du festival Odyssées en Yvelines 2024 • Coproduction : La Grange aux Belles